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Déjouer les bots : pourquoi les protections anti-bot sont devenues indispensables

Illustration générée avec l’IA

Les bots, ces programmes automatisés qui parcourent le web, sont devenus incontournables. Certains rendent de précieux services (comme indexer des contenus pour les moteurs de recherche), mais d’autres représentent une menace bien réelle : fraude, surcharge des serveurs, manipulation des prix… Les raisons de se protéger contre les bots malveillants ne manquent pas.

Mais comment ces protections fonctionnent-elles réellement ? Plongée dans l’architecture des systèmes anti-bot.

Comprendre les bots et le web scraping

Un bot est un programme automatisé capable d’exécuter des tâches sur internet sans intervention humaine. Dans le cadre du web scraping, il s’agit généralement de scripts qui parcourent et extraient des données de sites web à grande échelle.

Schéma représentant le fonctionnement du web scraping

Si certains usages peuvent sembler inoffensifs (comme la veille concurrentielle ou l’analyse de tendances) d’autres ont des effets délétères réels sur les entreprises et les utilisateurs :

  • Fraude et contournement des règles : des bots achètent en masse des billets pour des événements, rendant leur achat difficile pour les vrais consommateurs. Ils créent aussi de faux comptes pour manipuler des systèmes de notation ou contourner des restrictions.
  • Saturation des serveurs : des milliers, voire des millions de requêtes simultanées peuvent ralentir considérablement un site web, voire le rendre indisponible. Pour les petites structures, cela peut signifier une perte directe de chiffre d’affaires.
  • Manipulation des prix : certains bots scrutent en temps réel les prix des concurrents et déclenchent des ajustements dynamiques automatiques. Cela crée un écosystème instable, où les prix peuvent fluctuer anormalement ou désavantager les entreprises moins bien équipées.
  • Consommation de ressources : les serveurs doivent répondre à ces requêtes comme s’il s’agissait d’utilisateurs légitimes, ce qui génère des coûts d’infrastructure supplémentaires, parfois élevés.
  • Risques de sécurité : certains bots testent également les failles ou les faiblesses des systèmes, ce qui peut servir de porte d’entrée à des attaques plus graves (vols de données personnelles, exfiltration de contenu confidentiel…).

Les systèmes anti-bot sont donc devenus une composante essentielle de la cybersécurité moderne. Ils ont pour mission d’identifier, filtrer et bloquer ces comportements automatisés sans impacter les vrais utilisateurs.

Gérer les “bons bots” : une question d’équilibre

Tous les bots ne sont pas nuisibles. Certains sont même indispensables au bon fonctionnement de l’écosystème numérique :

  • Les bots des moteurs de recherche (Googlebot, Bingbot) qui indexent les contenus pour les rendre accessibles.
  • Les bots d’API partenaires (comparateurs de vols, agences de voyage) qui accèdent à des données en temps réel pour offrir des services utiles aux utilisateurs.
  • Les chatbots ou assistants vocaux, qui automatisent l’interaction utilisateur sur les plateformes.

Le vrai défi n’est donc pas seulement de bloquer les bots, mais de savoir lesquels laisser passer. C’est là qu’interviennent les solutions avancées de gestion du trafic bot.

Comment distinguer un humain d’un bot

Les sites web analysent plusieurs signaux pour différencier un utilisateur humain d’un bot.

Une des premières techniques consiste à analyser le comportement de l’utilisateur. Un humain navigue de manière aléatoire, hésite, clique sur divers éléments, bouge sa souris de façon fluide. Un bot, en revanche, suit souvent un schéma précis et répétitif. Les systèmes anti-bot scrutent donc :

  • Les mouvements de la souris : Sont-ils linéaires et trop précis ?
  • Les interactions clavier : Un humain tape-t-il réellement ou s’agit-il d’une injection de texte automatisée ?
  • Le scrolling : Est-il naturel ou toujours identique ?

La vérification des paramètres réseau est une seconde méthode pour différencier un utilisateur humain d’un bot. Les systèmes analysent la connexion et l’environnement technique de l’utilisateur :

  • Adresse IP : Un utilisateur change-t-il constamment d’IP ou utilise-t-il un proxy suspect ? Une seule IP effectuant un nombre anormalement élevé de requêtes peut être un indicateur de scraping automatisé.
  • Protocole réseau : Les configurations TCP, TLS et HTTP correspondent-elles à celles d’un navigateur classique ? Par exemple, un scraper peut envoyer des requêtes avec une version de TLS obsolète ou utiliser un ordre d’envoi d’en-têtes HTTP non standard.
  • Correspondance localisation/IP : Un utilisateur situé en France utilise-t-il un fuseau horaire asiatique ?

Une troisième technique possible est le Fingerprinting via JavaScript. Le Fingerprinting joue un rôle essentiel, le JavaScript collecte des informations pour créer une empreinte numérique unique de chaque visiteur. Cette empreinte repose sur des critères comme :

  • La configuration matérielle : Modèle de carte graphique, résolution d’écran, plugins installés…
  • Les comportements interactifs : Analyse des mouvements de la souris, des frappes au clavier, défilement de page, délai entre les actions…
  • Les spécificités du navigateur : Fuseau horaire, langue du système, version du navigateur, présence de modes anonymes ou d’émulation…

Toutes ces informations permettent aux systèmes anti-bot de détecter les incohérences. En effet, certaines combinaisons anormales de paramètres peuvent sembler suspectes. Par exemple, une empreinte peut prétendre provenir d’un appareil mobile tout en affichant des caractéristiques propres à un ordinateur. Considérons la configuration suivante :

  • Navigateur : Mobile Safari 16
  • Système d’exploitation : iOS
  • Résolution d’écran : 1920×1080
  • Présence de périphériques USB détectés
  • Utilisation d’une souris et d’un clavier physiques
  • Orientation de l’écran : paysage fixe
  • Absence de capteurs gyroscopiques ou accéléromètre
  • User-agent revendiquant un iPhone

Une telle configuration est incohérente, car elle mélange des éléments propres aux smartphones (Safari mobile, iOS, user-agent d’iPhone) avec des données typiques d’un environnement desktop (résolution, périphériques USB, clavier/souris). Ce type d’empreinte est souvent générée par des outils d’automatisation ou des environnements d’émulation, ce qui attire l’attention des systèmes de détection.

Dès lors qu’un utilisateur présente une configuration suspecte, il peut être soumis à des contrôles supplémentaires, comme un CAPTCHA.

L’architecture des systèmes anti-bot

Schéma expliquant les échanges entre le navigateur, le serveur anti-bot et le site web.
Image provenant de la vidéo Architecture d’une protection anti-bot

Un système anti-bot repose sur un trio indissociable :

  1. Le navigateur : Il exécute du code JavaScript, souvent obfusqué (rendu illisible), pour collecter diverses données sur l’environnement de l’utilisateur, telles que la configuration matérielle, les mouvements de la souris, les interactions clavier et les en-têtes HTTP. Ces informations sont ensuite envoyées au serveur anti-bot pour analyse.
  2. Le serveur anti-bot : Il analyse ces données en appliquant des algorithmes avancés pour déterminer si l’utilisateur est humain ou non. S’il valide la session, il génère un jeton de vérification qu’il retourne au navigateur, et il génère un score de réputation.
  3. Le site web : Lors des requêtes suivantes, le navigateur transmet ce jeton au site web, qui peut le vérifier auprès du serveur anti-bot avant d’accorder ou non l’accès à l’utilisateur. En cas de doute, il peut exiger une vérification comme un CAPTCHA.

Les protections anti-bot ne se contentent pas de vérifier des paramètres. Elles obfusquent le code JavaScript et chiffrent les données échangées pour éviter que les attaquants ne comprennent les mécanismes de détection. Ainsi, même en analysant le trafic réseau, il devient difficile d’anticiper ou de contourner ces protections.

Les protections anti-bot sont encore plus poussées sur mobile. Pourquoi ? Parce que l’analyse du code source d’une application Android est souvent plus simple que celle d’un site web. C’est pourquoi les systèmes anti-bot sur mobile exploitent des techniques avancées comme :

  • Génération dynamique d’ID et d’en-têtes HTTP
  • Chiffrement des interactions entre l’application et le serveur
  • Mécanismes d’anti-reverse engineering pour empêcher l’analyse du fonctionnement interne de l’application

Une course sans fin… mais plus nuancée qu’il n’y paraît

Les systèmes anti-bot évoluent sans relâche pour contrer des techniques d’automatisation toujours plus sophistiquées : émulation de navigateurs, bots “humanisés”, manipulation des empreintes numériques… Face à cela, les protections s’appuient sur l’intelligence artificielle, l’analyse comportementale et le fingerprinting avancé.

Mais aujourd’hui, l’enjeu n’est plus simplement de bloquer tous les bots. Il s’agit de filtrer intelligemment le trafic automatisé. Certains bots sont essentiels : moteurs de recherche, partenaires commerciaux, assistants vocaux… Les systèmes de protection modernes doivent donc faire la différence entre le bon et le mauvais agent, en temps réel, sans impacter l’expérience utilisateur.

C’est ce que proposent désormais des solutions spécialisées comme DataDome, Cloudflare Bot Management ou HUMAN Security (anciennement PerimeterX) : elles évaluent le contexte, attribuent un score de confiance, et permettent de définir des politiques fines.

Un nouvel enjeu commence aussi à émerger : la gestion du trafic généré par les intelligences artificielles. Avec la montée en puissance des LLMs et des outils d’IA, de plus en plus de bots d’IA parcourent le web pour nourrir leurs modèles. Ce phénomène soulève une question délicate : comment empêcher que ses contenus soient aspirés massivement par les IA, tout en laissant passer les « bons bots » indispensables à la visibilité et au référencement, comme ceux des moteurs de recherche ? Certaines initiatives apparaissent déjà, comme les protections anti-fraude IA de DataDome, l’option de blocage des agents IA proposée par Cloudflare, ou encore des techniques de « textes invisibles » destinés à piéger les modèles d’IA.

Protéger ses services ne signifie donc plus bloquer tout le trafic automatisé, mais distinguer les usages bénéfiques des abus malveillants — qu’ils viennent de bots classiques ou de nouveaux agents IA. Un équilibre délicat, mais désormais indispensable.

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