31/10/2018 3 Minutes read DesignInnovation 

The best interface is no interface

Un site web, une application mobile, une tablette, une borne interactive ou un autre dispositif numérique... les nouvelles interfaces digitales sont omniprésentes. Dans un monde où la peur excessive d'être séparé de son téléphone mobile grandit, le design d’expérience utilisateur devient un facteur différenciant.

Dans sa série SUR-FAKE de 2015, le photographe Antoine Geiger traite des addictions aux écrans et montre dans une de ses photos un groupe de visiteurs au musée ; ils ne regardent pas les œuvres mais consultent leurs smartphones. Altérés par un logiciel, les visages des visiteurs sont étirés jusqu’à l’écran et traduisent cette obsession.

En effet, sans nous en rendre compte, nous consultons environ 221 fois notre smartphone par jour. Golden Krishna, designer chez Google et auteur du livre “The best interface is no interface”, pointe du doigt l’impact énorme qu’a la technologie dans notre quotidien.

« Are you sick? There’s an app for that! Need to pray? There’s an app for that! Dead? Well, there’s an app for that, too! ».

Au bureau, en soirée, dans la chambre à coucher, jusque dans la salle de bain… fini le temps des piles de BD et des magazines people dans les toilettes ! Les applications captent toute notre attention et se rendent indispensables.

« When we saw problems, we slapped an interface on it ».

Golden Krishna dénonce ici le « screen-based thinking ». L’exemple qu’il donne du système Lockitron est significatif : cette application permettait de déverrouiller une serrure sans avoir besoin de chercher ses clés dans son sac… mais en passant par 12 étapes successives ! Il s’agit de se poser les bonnes questions : les utilisateurs veulent-ils vraiment que leur porte soit fermée à clé, ou veulent-ils seulement que leur maison ne soit accessible qu’à eux ? Google a bien été le premier à réaliser que la rationalisation du résultat est la meilleure des réponses à une conception. Qui aurait pu penser qu’un site conçu pour que les utilisateurs y passent le moins de temps possible serait le plus utilisé ?

C’est en étudiant correctement les comportements et en se posant les bonnes questions que l’on peut recueillir les bonnes données. L’interprétation de ces données est la clé d’un bon design qui peut donner ce que l’utilisateur veut, quand il veut, sans même le lui demander. Reprenons l’exemple du système Lockitron: une start-up berlinoise a su répondre correctement aux besoins des utilisateurs : elle a pensé un système qui permet d’ouvrir une porte sans les mains grâce à une technologie sans fil : kiwi.ki. Et ça fonctionne. Comment ? ça n’a pas d’importance. Les utilisateurs sont plus intéressés par le résultat final, obtenu facilement et rapidement, que par le temps qu’ils passent sur une interface, à cliquer sur des boutons.

Toujours dans sa série SUR-FAKE de 2015, Antoine Geiger montre ici un cycliste sur un vélib à Paris prenant un selfie. Le traitement graphique qui fait que son visage est absorbé par l’écran de son smartphone traduit cette dépendance.

La cohabitation entre les individus et la technologie peut donc faire sens en construisant un monde sans interface digitale. Je cite Golden Krishna, « It’s time to think outside the screens ». Le design de fonctionnalités et le rapport aux résultats sont deux concepts qui font la différence entre une bonne et une mauvaise conception. Cette différence de démarche est une innovation plus significative que l’innovation par l’écran. En tant que designer UX, nous devons nous concentrer sur l’élaboration de l’expérience vécue par l’utilisateur et résoudre les vrais problèmes. Et s’il s’agissait de simplifier et de minimiser au maximum les interactions entre une interface et l’utilisateur en rendant l’intégration des produits dans la vie quotidienne de la manière la plus transparente possible ?

Demain peut-être, nous pourrions attendre le bus, dîner avec des amis, aller au cinéma, faire du sport… ou seulement discuter sans être sans cesse absorbés par nos téléphones !

Photographies publiées avec l’aimable autorisation d’Antoine Geiger.