21/04/2022 Design
[In]accessibilité des services hors connexion
Imagineriez-vous, aujourd’hui, ne plus pouvoir utiliser votre téléphone à votre guise ? Ne plus pouvoir suivre l’actualité, ne plus pouvoir consulter vos messages, ne plus pouvoir chatter avec vos amis ? Plus de communication, plus d’information, plus de divertissement… Qu’est-ce qui peut rendre un smartphone, aussi fonctionnel soit-il, inutile ?
Le smartphone, une simple machine à écrire ?
Au moment où j’écris ces lignes, je me trouve dans un pays en proie à la répression et le gouvernement vient de décider de couper Internet, dans tout le pays, « pour la sécurité du peuple » …
Et voilà, mon smartphone est réduit à une simple machine à écrire. Cela dépeint une situation malheureusement un peu plus sombre :
- Impossibilité de communiquer et d’informer sa famille et ses proches,
- Impossibilité d’utiliser le réseau téléphonique,
- Impossibilité de s’informer (pas de radio ni télévision),
- Impossibilité d’acheter des produits de première nécessité car le paiement par carte ne fonctionne plus,
- Impossibilité d’utiliser les transports en commun puisque les bornes de compostage sont reliées au réseau,
- Impossibilité de travailler,
- Impossibilité d’utiliser les cartes bancaires… et les petits commerçants, encore ouverts, en profitent pour augmenter les prix.
Bienvenue dans un monde où ce qui était jusqu’alors considéré comme acquis -les services de base- n’est plus valable ! Cela génère peur, frustration, et inquiétude…
Isolée, aveugle, sourde… Je me sens véritablement prisonnière d’un système qui s’oppose aux comportements, aux envies et aux besoins de l’être humain. En tant que designer de service, je réalise que nous sommes contraints d’être connectés en permanence pour bénéficier des services.
En effet, combien de services prévoient une disponibilité en mode dégradé, hors ligne ?
Ici, il ne s’agit pas de traiter la raison politique ou sociale qui nous a fait basculer dans cette situation. Il s’agit plutôt, en tant que designer, dans un contexte soumis à de très fortes contraintes, de se demander s’il est possible aujourd’hui de maintenir un service de qualité même hors connexion. Un service minimum.
Quand notre quotidien dépend d’Internet.
A notre niveau de développement des services liés au réseau, la question de ce support, presque magique, ne se pose plus. Nous sommes entourés par ces services qui ont favorisé l’accélération de l’innovation en général.
Et chacun des services existants contribue, plus ou moins, à l’évolution fonctionnelle de notre quotidien. Cependant, nous avons probablement dépassé la masse critique de services liés à un seul moyen d’accès.
Le réseau, qui a toujours été une force, se voit désormais devenir une vulnérabilité, voire un obstacle.
Il est très inconfortable de se retrouver face au paradoxe suivant :
D’un côté, un développement constant ; nous travaillons, nous vivons à distance nous n’avons presque pas de frontières ; c’est la liberté ressentie du Metaverse.
D’autre part, si Internet s’arrête, TOUT s’arrête. Comment faire pour communiquer ? pour consommer ? pour s’informer ?
Quand la connexion devient une question centrale dans le positionnement d’un service
Comment garantir une qualité de service constante et accessible à tout moment, même hors ligne. Existe-t-il une qualité minimale à garantir ?
Nous utilisons souvent la notion de service proposé dans sa globalité, c’est-à-dire y compris l’intégration fonctionnelle auprès de l’utilisateur. Mais l’accès à Internet est devenu une telle évidence que nous ne pensons pas à créer un écosystème qui garantirait l’usage minimum en cas de déficience.
L’innovation par le design ne devrait-elle pas consister à garantir l’accès au service et à sa valeur, même hors ligne, et non conditionné à Internet ? À l’avenir, cela ne participera-t-il pas au label de qualité ?
Un service innovant offre manifestement un usage ou une valeur qui n’existait pas jusque-là et qui répond à une problématique de l’utilisateur.
Il est peut-être temps de s’interroger sur la notion de la disponibilité, de réfléchir à une régulation de la masse de services liés au réseau. Ne faudrait-il pas proposer systématiquement plusieurs déclinaisons possibles ? Comment éviter le risque de bloquer un utilisateur en raison d’une absence de service et lui garantir une liberté d’accès en toutes circonstances ? Ne devrait-on pas imaginer un critère de label de qualité en termes de disponibilité ?
Bien qu’étant designer de service, il m’a fallu vivre une situation particulièrement contraignante marquée par de sévères restrictions pour que ces questions m’apparaissent. Aujourd’hui, je souhaiterais qu’elles soient davantage prises en compte dans la réflexion des designers et des investisseurs et ainsi enrichir la recherche de nouvelles solutions émergentes.
Nous commençons à voir apparaître quelques initiatives dans ce sens, même si ce n’est qu’un début :
- Starlink – le projet d’Internet spatial de Elon Musk. Géré par son entreprise aérospatiale commerciale SpaceX, Starlink vise à fournir une connexion Internet haut débit à travers le monde grâce à une constellation de 42 000 satellites placés en orbite terrestre basse d’ici 2027.
- Netflix offre aux utilisateurs la possibilité de télécharger des contenus (films, séries, etc.) via son application iOS, Android et PC afin de pouvoir les regarder hors ligne.
- Avec son alternative non numérique, l’application Yuka permet de scanner des articles de magasin en mode hors ligne. Ainsi, même au fond du supermarché, l’utilisateur peut décrypter les étiquettes de produits et analyser leur impact sur la santé.
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